marcox #2 // with no direction in your orbit

✩ ✩ ✩ ✩ ✩i feel myself completely in too deep and seeking safety. you, you feel yourself completely fall, wish i could fall, wish i could fall, but it's pressure, you'd get too close if i let ya (c) artist

Elle a un instant d'hésitation, Art, en l'apercevant devant le refuge animalier. Corey. Les émotions s'entrechoquent et se font la course, se bousculent pour atteindre la première place et ne parviennent qu'à se mélanger. Contente de le voir, toujours. Surprise, beaucoup, et presque inquiète pour une raison sur laquelle elle ne parvient pas tout à fait à mettre le doigt. Soulagée, en remarquant qu'il ne grimace pas, ne fuit pas. Elle aurait dû être rassurée par le seul fait qu'il l'ait raccompagnée jusqu'à chez elle, après qu'elle ait douté de jamais le revoir, mais elle n'a pas su déterminer s'il n'avait s'agit que d'une prolongation de sa gentillesse, de son impression de devoir l'aider pour une quelconque raison. Une certaine gêne s'ajoute donc au mélange, l'incertitude quant à où ils en sont, s'ils sont supposés reparler de la dernière fois ou si elle peut considérer qu'il s'agit d'une histoire passée et oubliée. Si elle est à l'abri des questions, des doutes et de la distance qu'elle ne supporte plus entre eux. La confrontation se rapprochant à mesure qu'elle approche de l'entrée du refuge, elle opte pour la légèreté. Pour l'oubli. Pour qu'ils ne soient qu'eux, comme d'habitude, comme avant. En espérant qu'il suive le mouvement. La peur au ventre, malgré tout, de s'imposer, de ne pas être la bienvenue. L'impression habituelle de déranger, qu'elle ravale. Comme toujours à dos de vélo, elle s'arrête à sa hauteur et fronce exagérément les sourcils, une fausse suspicion sur les traits. « Je vais commencer à croire que tu me suis, Corey. » La blague est de courte durée, elle lui sourit en descendant de la selle, et a presque un geste, hésitant, qu'elle ne termine pas. Elle l'aurait enlacé, ou l'aurait voulu. Elle lui aurait serré le bras, ou quelque chose comme ça. Mais le souvenir de leur dernière soirée se rappelle à elle (pas qu'elle ait véritablement cessé d'y penser depuis), et elle garde les doigts fermement scellés autour du guidon. Elle cadenasse le vélo et se redresse, revient à lui. « Are we early ? » Le parking presque désert, la porte qu'elle suppose fermée puisqu'il est resté à l'extérieur. Elle n'a pas pris de montre, et sort donc son téléphone de son sac pour consulter l'heure.

Le sourire plaqué sur les lèvres en lisant les derniers messages échangés sur la conversation de la fratrie, il répond avec un smiley avant de relever la tête, le regard sondant la rue encore vide jusqu’à se porter sur une silhouette qu’il approche — et qu’il reconnaît aussitôt. Il l’a trop observée, saurait la reconnaitre même de plus loin, même avec un oeil fermé, même sans la voir, sans doute. Parce qu’elle a un pas différent, Art, un parfum qui ne lui appartient qu’à elle et qu’il connait sans doute trop, Corey. Il se redresse en la voyant qui continue d’approcher, sans savoir s’il doit parler le premier ou plutôt se taire, les images de la dernière fois encore trop vives dans son esprit et les mots de Lauren à ce sujet trop ancrés en lui. Lui laisser le temps, lui dévoiler son univers. Et il veut, Corey, lui laisser tout le temps dont elle a besoin, attendre qu’elle lui en reparle la première, qu’elle lui dévoile ce qu’elle tait de façon si obstinée — mais il lui suffit de la voir, là, pour de nouveau vouloir la couvrir, la protéger jusqu’à ce qu’elle veuille bien enregistrer qu’elle ne craint rien, pas avec lui. Il lui suffit de lui lancer un regard pour être traverser de cette envie de l’enlacer à nouveau (pour la première fois, pourtant), de s’excuser de son attitude la dernière fois, de ne pas avoir su trouver les mots en la laissant devant son immeuble, de ne pas être revenu, de ne pas avoir osé revenir. Il était pourtant jamais loin, chaque soir — à attendre plus loin, devant le bar sans jamais se montrer, à surveiller qu’elle n’ait pas à fermer seule (sans quoi, il le sait, il serait rentré, se serait fait voir), à veiller à ce qu’il n’arrive rien. L’ombre inquiétante et bienveillante d’un coin de rue, incapable de ne pas être là soir après soir. Elle s’arrête juste devant lui et il range son téléphone dans sa poche, Corey, pourrait fondre devant l’air qu’elle affiche — cette mimique qui lui va bien, qui la rend plus légère qu’il ne la sait être. Moins sur ses gardes. « Techniquement, j’étais là avant toi alors c’est plutôt toi qui me suis. » Il a pourtant eu une panique d’une seconde, Corey, parce qu’il la suit, oui. Pas aujourd’hui (pas là), mais d’ordinaire. Depuis bien avant qu’il ne lui ait adressé la parole pour la première fois au bar. Depuis qu’il a été embauché par son père. Il voudrait l’aider à descendre du vélo, tenir le guidon pour qu’elle ne perde pas l’équilibre mais n’en fait rien, s’interdit même de la suivre des yeux quand elle s’éloigne pour garer le vélo. « I was a bit, but Beverly is mostly late. » Il hausse les épaules, passant trop de temps dans le coin pour ne pas connaître le nom de celle et ceux qui y bossent à temps complet, surtout Beverly, présente les jours où il vient donner un coup de main. « Didn’t know you came here, » qu’il ment. Parce que bien sûr qu’il le sait, une coïncidence, vraiment, qu’elle vienne aider pile dans le même refuge animalier que lui.

Il ne lui faut pas plus de quelques secondes pour le reconnaître. A peine le temps que son image ne s'imprime sur sa rétine, et que son cerveau la traite. Corey, sa posture qu'elle connaît trop bien, sa silhouette si souvent aperçue du bout du bar, du bout d'une rue, suivie du regard lorsqu'il s'éloigne après l'avoir raccompagnée. Au point qu'elle sait dire de quel côté il a tendance à pencher la tête, sur quelle jambe il met son poids. Des détails auxquelles on ne fait pas attention pour rien, elle en a bien conscience. D'ailleurs, elle a conscience de beaucoup, beaucoup de choses, elle refuse simplement d'y laisser libre cours — et, honnêtement, cela ne dépend pas d'elle, quoi qu'elle veuille ou décide, son subconscient est toujours là pour lui rappeler, aux pires moments, les risques. Elle ne peut que reculer après avoir fait un pas de trop en avant, se réfugier dans des semi vérités et le traiter, finalement, comme n'importe qui. Presque n'importe qui. C'est tout simplement plus fort qu'elle, et si son corps et son esprit tout entiers s'évertuent à la protéger, son cœur n'est pas tout à fait de taille à s'y opposer. « Bien vu », lui sourit-elle. « Tu m'as démasquée. » Elle craint l'espace d'une seconde qu'il s'imagine que c'est vrai, que, puisqu'il n'est pas revenu depuis l'incident, elle a trouvé le moyen de le recroiser quand même. Mais tout le monde ne vit pas avec la même peur panique qu'elle, et il ne lui donne pas l'impression de prendre la chose au sérieux. Cela dit, Art, elle a de moins en moins l'impression de savoir le lire. Elle attache son vélo, récupère son sac dans le panier avant et le rejoint, un léger sautement dans son pas malgré son inconfort. Le retrouver comme ça la prend au dépourvu, après l'avoir attendu à chaque sonnerie de la clochette à la porte du bar, en vain. Après s'être préparée chaque soir à de nouvelles questions, pour ne jamais les entendre. Elle ne s'y est certainement pas préparée ce matin, parfaitement dans le flou quant à sa participation à la même organisation qu'elle. Ils parlent tellement, pourtant. Parlaient, en tout cas. Sa gorge se serre, son cœur retombe. Lui non plus, n'évoque jamais de sujets très importants, sa vie, ce qu'il fait de son temps. Elle a toujours su l'imaginer, pourtant, elle ne sait pas trop comment, et le refuge pour animaux ne l'étonne pas le moins du monde, au final. « Oh. I bet she won't be long. » Triste banalité. Est-ce tout ce qu'ils ont à se dire, à présent ? Elle range son téléphone, regrette instantanément de ne plus avoir de quoi s'occuper les mains et les yeux, forcée dès lors de les relever vers les siens. Elle est soulagée lorsqu'il trouve quoi ajouter. « Yeah, I'm usually at another shelter but they said they were a bit short handed here and I was free so... » Elle se laisse détailler les traits de Corey un bref instant, à la recherche de la moindre micro-expression qui lui dirait ce qu'il pense de ce changement de programme. Si sa présence dérange. Rien, et elle s'apprête à lui retourner la remarque, mais c'est tout autre chose qui passe ses lèvres: « You… You didn't come back to the bar. » Une observation. Un reproche ? Non, certainement pas. Le ton est celui de l'information — comme s'il n'avait pas remarqué —, la voix est basse, le regard fuit et se pose sur les voitures qui passent mais ne s'arrêtent pas.

Il voudrait lui sourire, Corey — ne demande même que ça, en réalité. Lui sourire largement, faire ce qu’il fait toujours, d’ordinaire, en présence de la jeune femme. Tout faire pour lui arracher un rire, un sourire, un air un peu sombre ou triste qu’il lui voit parfois et qui, immanquablement, lui écorche le coeur. Il voudrait lui sourire d’autant plus qu’ils ne sont pas vus depuis longtemps (une éternité, a-t-il l’impression) parce qu’il ignorait s’il était toujours le bienvenu dans le bar, si elle ne le mettrait pas à la porte ou, pire, demanderait à l’un ou l’autre de ses collègues de le faire à sa place parce qu’elle ne veut plus rien à voir avec lui. Il voudrait lui sourire parce qu’il est content de l’apercevoir, même de loin ; parce qu’il sourit toujours, c’est devenu un automatisme, quand il la voit, la reconnait. Voudrait lui sourire parce que c’est exactement ce qu’elle provoque, en lui, une allégresse toujours nouvelle et familière à la fois, une pointe de joie qui se propage dans ses entrailles, dans ses veines, comme une dose de bonheur injectée directement dans son organisme et à laquelle il ne pourrait échapper (pas qu’il en est envie). Il voudrait lui sourire, donc, mais il n’ose pas, c’est à peine s’il ose relever le coin de ses lèvres, encore incertain quant à l’attitude à adopter avec Art, maintenant. Tout lui semble trop différent quand il aurait préféré que rien ne change — et ça lui fait craindre le jour où il devra l’envoyer à son père, le jour où elle apprendra qu’il est celui qui l’a balancé. Il retrouve un peu de légèreté aux mots qui sont échangés, rentré dans le jeu sans pour autant retrouver complètement son flegme habituel. « Eh, je peux pas t’en vouloir, c’est le charme des Wilcox qui coule dans mes veines, ça pousse les gens à agir différemment, parfois. » Et il a le coeur qui s’accélère au sourire qu’elle lui offre, qu’il aimerait lui faire conserver encore longtemps. Il s’y risque alors à son tour, un bref sourire, un regard qui s’adoucit dans la foulée parce qu’il n’est pas capable d’autre chose — pas avec elle. Il la laisse attacher son vélo et la retrouve, le sourire effacé — l’angoisse lui revient, qu’a-t-il fait, qu’a-t-il dit ? Ou peut-être se remémore-t-elle ce qu’il s’est passé, la dernière fois, peut-être lui en veut-elle encore de ce qu’il a dit, ou pas dit, fait, ou pas fait. Elle clôt la conversation et il ne trouve rien à ajouter dans l’immédiat, pas à propos de Beverly (ce n’est pas d’elle dont il veut parler, Corey). Il s’y essaie finalement, la question lui paraissant forcée, sans doute parce que le mensonge s’y est dissimulé et qu’il est mal, Corey, de lui mentir encore, lui mentir toujours. Et puis, ce n’est pas ce qui peut lancer une conversation — preuve étant, la réponse se suffit à elle-même, n’appelle à aucun commentaire, aucune réaction et il a beau se creuser, il ne voit pas ajouter. He’s a damn idiot, qu’il se fustige intérieurement, d’avoir choisi ça plutôt qu’autre chose ; mais il n’ose pas lui demander comment elle va. Craint qu’elle ne se braque ou qu’elle n’y voit là des intentions qu’il n’aurait pas (ou si, mais contre son gré, en quelque sorte). L’angoisse logée dans sa gorge, il ne sait pas quoi ajouter quand elle évoque son absence remarquée (espérée, regrettée ?) et il pose le regard sur elle. Doit-il lui dire que si, juste caché à ses yeux ? Doit-il prétendre une surcharge de travail ? Remettre tout ça sur le boulot, ses nièces à garder plus fréquemment que d’ordinaire (ça ne lui semble pas juste de mettre en cause Lauren, toutefois) ? Il n’a pas envie de lui mentir, pourtant, pas plus qu’il ne le fait déjà — las de ce jeu qui n’en est pas un puisqu’elle y participe sans rien connaître des règles, Art. « Actually I did, a couple of times. I just wasn’t sure if it was okay for you so I never went in. » Une presque vérité, alors, elle n’a pas forcément besoin de connaître les détails, Art. Il tend une main, prêt à déposer deux doigts sous son menton pour la faire relever les yeux mais n’ose pas le geste, se frotte plutôt l’arcade sourcilière, la tête de naissance sur son visage. I missed you tho. Les mots en écho dans son crâne, hurlés en silence mais peut-être assez forts pour qu’elle les entende quand même. « Did anything happen? » S’inquiète-t-il alors, faussement, parce qu’il sait. Il était là.

Elle secoue la tête, amusée, à sa remarque, mais ne le contredit pas. Ne pourrait sincèrement pas le contredire, quoiqu'elle n'ait jamais, du moins à sa connaissance, rencontré d'autre Wilcox. « Ca doit être ça. » Et, si elle ne l'a pas suivi, elle aurait presque pu finir par se tourner vers cette option, à force de ne pas avoir de ses nouvelles. Elle n'aurait simplement pas su où commencer car, et c'est de plus en plus douloureusement clair, ils ne se connaissent pas. Pas vraiment. Et ce qu'elle ressent, ce qui tambourine dans sa poitrine, ce qui la fait tant sourire, n'est peut-être bien qu'une illusion. Un crush, passager, et sur quelqu'un qu'elle a déjà réussi à décevoir. Elle peine à choisir, Art, entre les mots qui se bousculent sur le bout de sa langue. Ne ferait-elle pas mieux d'aborder directement le sujet qui fâche, histoire d'être fixée ? Et si la réponse ne lui plaisait pas ? Et si c'était ça, la fin. Les chemins qui se séparent et point, plus de nouvelles et agir comme s'ils avaient, l'un ou l'autre, fait quelque chose de mal qui justifierait ce malaise. Et elle ne voit qu'une chose. Qu'elle, sa faute à elle, pas forcément pour une crise qu'elle n'aurait pu contrôler, mais pour le reste. Le silence, l'absence d'explications, les omissions. Elle a fait ce qu'elle a pu, pour lui offrir un peu de sens, mais elle sait qu'il est resté sur une impression d'être exclus d'un sujet important — ce sur quoi il n'a pas tout à fait tort. Et elle voudrait se convaincre que cela ne le regarde pas, Corey, qu'elle ne lui doit rien et que c'est tant pis, s'il ne peut se contenter de ce qu'elle a accepté de lui avouer. Mais elle voudrait, aussi, pouvoir tout lui dire. Elle voudrait qu'il puisse comprendre, il n'est pas le seul. C'est seulement bien plus complexe qu'un simple vœu, un désir. Si elle lui explique une chose, elle doit en expliquer quinze autres. Si elle le met au courant, il aura une ribambelles de raisons de l'éviter. Elle préfère qu'il l'évite pour celle-ci, uniquement. Qu'il la voit plutôt trop secrète, que trop abîmée. Alors elle ne dit rien, laisse les banalités se suffire à elles-mêmes. Ils n'ont rien à se dire, n'est-ce pas ? Rien de plaisant. Elle a pourtant tellement de mots, sous le crâne. Tellement de phrases tournées et retournées dans son esprit, la nuit, et qui ne demandent qu'à être prononcées. I missed you. Mais à quoi bon. Why didn't you come back ?, are we good ?, mais les réponses l'effraient. Elle pourrait presque se mettre à parler de la pluie et du beau temps, suggérer un abri de fortune, une guitoune, en attendant les retardataires, parce qu'on a prévu une légère pluie et qu'elle n'est pas habillée pour. Tout pour combler le silence qui pèse, même si les mots, et leur vide complet, pèsent plus encore. La pluie, le beau temps, ses vêtements, Beverly, le retard, le volontariat, elle ne se voit pas supporter longtemps de parler pour ne rien dire. Pas maintenant. Elle pourrait parler de rien, avec lui, pourtant, littéralement, de rien du tout, et être heureuse, mais pas maintenant. C'est plus fort que tout, alors, les mots qui s'échappent timidement de ses lèvres. You didn't come back. Pas de question, pourtant. Elle sait pourquoi. La réponse n'est pas ce qu'elle attendait — mais qu'attendait-elle, en déclarant simplement ce qu'ils savent tous les deux. Elle relève les yeux sur lui, ses traits qui ne mentent pas, sa main qu'elle voit approcher, et elle ne bouge pas, mais il ne fait rien. L'aurait-elle voulu ? La réponse lui vient, plus claire qu'elle ne l'aurait pensée, plus rapide aussi, sans tergiversation, sans réflexion, oui. Est-ce ce qu'il a ressenti, alors qu'elle faisait mine de vouloir lui caresser la joue, ce soir-là, mais s'est timidement arrêtée à son avant-bras ? A-t-elle le droit de terminer son geste ? Sa gorge s'est serrée avant qu'elle ne le réalise, son cœur s'est mis à battre plus fort. Que répondre à cela, et comment le comprendre. S'il est revenu pour elle, pourquoi n'a-t-il rien fait, pourquoi n'a-t-il pas au moins demandé. Elle se mord l'intérieur de la joue, espère ainsi retenir les larmes qu'elle sent sur le point de se former au coin de ses paupières. Et elle ne sait même pas pourquoi, ce qui la fait trembler, ce qui la fait vibrer, ce qui malmène tant son palpitant. Elle a son nom sur les lèvres, Corey, rien d'autre, avant qu'il ne reprenne. Elle secoue la tête, son regard trouvant un nouveau point à fixer pour ne pas craquer. « Nothing. » La voix enrouée, elle toussote. « I just... I noticed. » Qu'est-ce supposé vouloir dire ? Elle passe la main dans ses cheveux, soupire imperceptiblement, et s'aventure à le regarder à nouveau. « It was okay, you know. It's always okay. » Come back.

Il ne sait plus, Corey, ce qu’il est en droit de dire, de demander, ou même faire. L’envie de retrouver ce qu’ils avaient avant — mais qu’avaient-ils, avant ? Ses mensonges à lui, ses silences à elle et ces sentiments qui s’y sont mêlés, rendant tout plus compliqué encore, n’est-ce pas mieux qu’ils n’aient plus ça, finalement ? Plus rien plutôt que la douleur de ne pas pouvoir agir, de ne pas pouvoir dire, toucher, embrasse ? — sans pour autant savoir comment faire. N’est-il pas trop tard, à présent ? Peut-être aurait-il eu une chance de faire table rase de cette soirée qui pèse entre eux si seulement il s’était forcé à aller la revoir après ; s’il avait eu ces gestes qu’il a retenu alors qu’il la laissait retrouver son immeuble et qu’il restait dans la nuit noire, seul avec ses inquiétudes, ses questions et l’absence de réponses. Et le silence s’impose et s’il était loin de déranger avant, c’est différent, à présent. Il est différent. Eux aussi, apparemment. Il n’arrive pas à y croire, pourtant, que ce soit déjà fini, avant même que ça ait débuté. Ne veut pas le croire, ni l’accepter, et il s’essaie, Corey. Trouver un sujet de conversation, n’importe quoi, qui pourrait les raccrocher encore un peu l’un à l’autre, qui pourrait la raccorder à lui avant qu’elle ne s’enfuie complètement — qu’elle ne lui échappe pour toujours. L’impression de ne pas être assez, d’être coupable, que c’était voué à arriver (après tout, tous les autres l’ont toujours quitté, pourquoi pas Art ?). Et c’est elle qui prend la parole, l’accusation murmurée, du moins le croit-il, le perçoit-il un peu comme ça, à moins que ce ne soit qu’une remarque comme une autre, comme il aurait pu en faire. La réalité fracassant tout sur son passage quand il ne sait pas ce qu’il est supposé répondre à cela. He came but not really. Il a eu peur, qu’elle ne le repousse, ne le rejette, qu’elle ne lui demande de partir, de ne plus jamais revenir. Il a le regard plein de douleur et de tristesse, ces émotions qui rendent son coeur si serré parce qu’il a voulu revenir, il a voulu pousser cette porte, voulu la revoir. Et, quelque part, il l’a fait. La revoir. De loin. Alors peut-être est-il simplement injuste parce que lui a eu ce qu’il voulait, s’assurer qu’elle aille bien, apaiser son crâne martelé de pensées en vrac — mais elle ? Il envisage qu’elle aurait pu vouloir la même chose que lui, que peut-être qu’elle ne l’aurait pas fait mettre dehors, qu’elle l’aurait accepté avec son silence entendu, ses regards en coin et peut-être qu’il n’imagine pas ce qu’il y a, entre eux. Peut-être est-ce bien là, juste inaccessible parce que s’il doit se lancer, s’il doit faire ce pas en avant vers elle, il ne veut pas avoir à lui mentir, à lui cacher que son père la recherche. Doit-il ? Avancer, tout lui dévoiler ? I noticed et son coeur éclate. I noticed et il ouvre les lèvres. I noticed et il se redresse. Elle reprend, il sourit.
There’s something I need to tell you.
C’est simple mais les mots ne veulent pas sortir.
There’s something you should know.
Si simple. Ils sont là, dans son esprit, répétés en boucle.
I’ve lied to you.
« I’m glad. » Les mots ne suffisent pas. Ne sont pas assez forts pour vraiment décrire ce qu’il ressent — soulagement et joie et autre chose. Le baume sur le coeur, l’apaisement sur la blessure et la peur. It was no coincidence that we met. I think I’m falling in love with you. « I missed, » you, « your special drink. » Parce qu’il ne peut pas, n’est-ce pas, dire la vérité. Il n’y arrive pas. Les mots bloqués et la force pour les pousser lui manque.
Il ne dira rien, donc.
Pas aujourd’hui.
« Hey, I was wondering. Do you like theater? » L’idée de Lauren revenue et puis le changement d’ambiance bienvenu — au cas où elle puisse lire dans ses silences, à lui et deviner ce qu’il tait encore.

Elle avait espéré autre chose, pour leurs retrouvailles. Elle ne sait pas pourquoi, comment, elle s'est laissée y croire, comment elle a pu imaginer qu'il en serait jamais autrement. Que les mots leur viendraient aisément, que tout serait comme avant. Ou mieux ? Mieux, parce que le poids d'un secret aurait été ôté, quoique remplacé par celui de questions demeurées en suspend. Que dit-on, au sujet de l'espoir ? Tant de choses, mais il semblerait que the root of all heartache soit la véritable réponse, en ce qui la concerne. Elle n'aurait pas dû attendre quoi que ce soit, le cœur retombant lourdement dans sa poitrine à chaque fois qu'une silhouette qui n'était pas la sienne passait la porte, à chaque fois qu'elle pensait reconnaître une voix dans le bar mais qu'il ne s'agissait jamais de lui.
But he was there.
Pourquoi ? La question est au bout de sa langue, palpite dans ses veines, menace de s'extirper de ses lèvres mais ne l'ose pas, contrée par d'autres mots. Un maigre aveu. Aurait-il dû revenir ? Où en seraient-ils aujourd'hui ? L'attente a-t-elle changé quelque chose ? Elle n'est pas sûre qu'ils auraient pu (voulu) reprendre où ils en étaient avant ce dernier soir, avant qu'il ne l'ait vue pour qui elle est. Pas sûre non plus que se revoir dès le lendemain aurait été bénéfique. Pour autant, avoir laissé passer trois mois lui paraît largement abusif, elle a eu le temps de s'inquiéter de ne jamais le revoir, et de sentir s'amplifier des sentiments qui n'avaient, durant ces trois mois, nulle part où aller. Personne vers qui se porter. Que se serait-il passé, s'il n'y avait pas cette coïncidence, ce refuge en manque de bras ? Quand se seraient-ils revus ? Elle devrait probablement profiter un peu plus de l'opportunité, du moment, Art, mais les pensées fusent sous son crâne et la peur que ce soit tout, après aujourd'hui, ne la quitte pas. La peur qu'il leur faille toujours se croiser au hasard, et qui sait quand ce hasard choisirait de mettre fin au supplice. Mais les choses prennent un autre tournant. Corey, il semble réaliser qu'elle ne fait pas que parler dans le vide. Elle veut qu'il revienne. Elle en a besoin. A quel point le réalise-t-il ? A quel point le veut-il aussi ?
Et elle éclate de rire, c'est plus fort qu'elle, même si les mots ne sont pas exactement ceux auxquels elle s'attendait, ni ceux qu'elle espérait. Elle éclate de rire parce qu'elle a espéré, des semaines durant, qu'il reviendrait, espéré que les choses seraient normales, tout en imaginant le pire, la distance et le doute, la fin d'une époque, même courte, si courte qu'elle n'aurait pas dû s'y faire, s'y complaire, mais, Corey, il a eu cette façon de s'insinuer si aisément dans sa routine — à croire qu'il était fait pour y appartenir. Alors sans doute devrait-elle se méfier d'autant en dépendre, de l'attendre, alors que son cœur n'est pas à prendre, mais elle croit qu'elle pourrait faire une exception. Elle pourrait lui faire confiance, elle pourrait... Ce n'est finalement même plus conditionnel, à vrai dire, c'est déjà le cas, elle est face au fait accompli, la seule option étant de l'accepter — comment le refuser ? Et il rend la chose aisée. Il a ce sourire, il a... Il a les mots, même lorsque ce ne sont pas exactement les bons. « You know what you have to do if you miss it. » Une pause, brève, le sourire qui s'amincit et le regard qui fuit. Puis: « I missed making it for you. » L'aveu masqué, mais mal. I missed you. C'est aussi ce qu'il voulait dire, n'est-ce pas ? Il faut que ça le soit. Elle a le cœur qui bat à tout rompre, Art, l'envie de dire quelque chose de plus, d'avoir un geste symbolique, mais elle est rouillée (à moins qu'elle n'ait jamais su comment faire), et ses mains restent auprès d'elle, ses bras ne s'aventurent pas vers lui. Il reprend, l'occasion disparait. « Love it, actually. Why, am I gonna find out you're a big theater star ? » Elle s'efforce d'être comme avant. Avant l'autre soir, et avant de savoir qu'il y a un eux, ou une possibilité d'eux.

Elle rit et il sait qu’il ne pourra plus jamais vouloir rien d’autre que de l’entendre encore. Elle rit et Corey, il sait qu’il va tout faire, tous les jours, pour qu’elle ait de nouveau cet éclat de rire — et rien d’autre. Plus de crise d’angoisse, plus de frayeur dans son rien. Rien d’autre que ce rire, ce son qui enveloppe son coeur de chaleur, qui détend ses muscles, qui lui arrache un sourire qu’il sait étrange (peut-on sourire d’entendre quelqu’un rire de si bon coeur ? Peut-on sourire d’amour ?). Elle rit et il se dit, se convainc, que peut-être que dissimuler encore un peu la vérité (les mensonges, son absence) n’est pas une si mauvaise chose, alors. Car il le sait, Corey, que s’il lui dit tout, s’il lui dévoile l’entière, l’absolue, vérité, alors ce rire, il ne l’entendra plus. Et ce visage, il ne le verra sans doute plus non plus. Alors sans doute ne devrait-il pas sourire — sans ne devrait-il même pas ressentir tout ce qu’il ressent, là, tout de suite, alors qu’elle reprend la parole et il sait qu’il pourrait y voir un sous-entendu. He could tell her the whole truth. Ou il pourrait se taire, faire comme si, retourner à l’avant ; avant la soirée, avant l’angoisse, avant tout ça. Pour la revoir, la retrouver et l’entendre rire.
Juste rire.
Il baisse la tête brièvement, les mots atteignant son coeur sans difficulté. Et c’est là, non. Leurs sentiments dans l’air. Ces aveux détournés parce que les mots francs seraient trop brutaux après ce qu’il s’est passé, trop brutes pour eux. Pour elle. Art, elle lui a toujours donné l’impression d’être un matériaux qu’il faut travailler et chérir et protéger pour que son éclat reste d’une grande brillance, d’une grande beauté — l’erreur serait de la penser pour acquise. Et lui balancer, de but en blanc, que c’est d’elle dont il parle, que c’est à elle qu’il ne cesse de penser, que c’est elle qui provoque toutes les sensations qu’il ressent, que c’est elle tout simplement. Il garde les yeux sur elle, alors, les yeux qui ne s’accrochent pas totalement mais peut-être suffisant pour qu’elle le comprenne ? Tout ce qu’il ne dit pas. Tout ce qu’il ne sait pas comment dire. Il sent l’air qui se forme, ce quelque chose qui n’enveloppe qu’eux. Il croit qu’il pourrait s’approcher, tendre une main vers sa joue, laisser ses doigts courir sur sa peau. Il croit qu’il pourrait attraper sa main, enlacer leurs doigts, laisser les gestes dire ce qu’il ne sait pas exprimer.
A la place, il tourne la tête. Evoque le théâtre, cette idée qui vient de Lauren, qu’il a gardé dans un coin de son esprit et c’est la bonne occasion, non ? Elle aime. Il retrouve le sourire large. « Really? » La surprise sincère parce qu’il n’a pas l’habitude que d’autres partagent sa passion. Il rit, secoue la tête. « I wish! But no, I ain’t. Never even done a play for school. No, I, hm. I thought maybe you’d be interested in coming to see a play? With me, » qu’il s’empresse de préciser comme si c’était nécessaire, comme si ce n’était pas entendu.

Elle a le cœur qui s'emballe et le rire qui s'échappe, avant de le réaliser, de pouvoir le contrôler. Elle passe vraiment d'une émotion à son contraire, Art, si vite, si fort. Elle a un regard pour Corey, comme pour vérifier qu'il ne la prend pas pour plus perchée encore qu'elle ne l'est, qu'elle ne l'a démontré il y a ces trois mois. Mais il sourit, Corey, et son propre rire se mue en un reflet de l'expression qu'il affiche. Puis elle détourne le regard, rapidement submergée par la tournure d'une conversation qu'elle voyait déjà mal se passer. N'est-elle pas simplement en train de prendre ses rêves pour une réalité ? Et si Corey ne faisait qu'être (plus que) poli ? Les doutes profitent de la moindre ouverture pour s'immiscer à nouveau dans son esprit. Elle secoue légèrement la tête, sort de ses pensées, son triste monologue intérieur constant, celui qui voudrait qu'elle fasse attention, toujours plus attention, là où elle ne fait déjà que ça. Celui qui voudrait qu'elle n'ait pas confiance, en Corey, en qui que ce soit — mais c'est trop tard, pour ça. Avec lui, auprès de lui, elle se prend à penser différemment, laisser de moins en moins de place à ce doute ou, si elle est incapable de le contrôler la majorité du temps, de l'écouter de moins en moins. Il rend cela plus aisé que beaucoup d'autres, à moins que cela ne vienne d'elle, et de ce qu'elle ressent pour lui — ce qu'elle prétend encore ne pas ressentir, ce qu'elle n'avouera pas ressentir à moins qu'il ne dise quelque chose en premier.
Le moment semble passer et elle fait mine de ne pas le regretter. Elle l'enregistre, pour plus tard, la prochaine fois. Elle ne risque pas de l'oublier. Ce moment qui leur permet, étrangement, de se reparler normalement. « Oh yeah, of course. I'm not just a jock, you know. » Elle plaisante, bien consciente de ne pas avoir forcément l'allure d'une grande sportive (et pourtant), et puis Corey ne la sait même pas adepte du volley, un secret bêtement gardé, par habitude. « Never ? I thought all the american kids were in a play, tv shows lied to me. Tell me you were at least in one talent show ? » Elle fait mine de tenir énormément à la réponse, avant de cesser ses taquineries pour répondre à la question: « I'd love to. Did you have something in particular in mind ? » Peut-être se parlent-ils même un peu plus que normalement, parce qu'elle n'aurait probablement pas accepté de l'accompagner voir une pièce de théâtre s'il avait posé la questions il y a quelques mois. Elle se serait inventé une excuse, bien que l'envie d'articuler une réponse positive à la place n'aurait sans doute pas manqué.
Elle entend une portière de voiture claquer dans l'air silencieux, s'étonne de ne pas avoir entendu le moteur tourner ou les pneus sur le bitume. Elle s'étonne, mais elle était bien trop occupée par leur conversation pour y faire attention, et sans doute les a-t-elle entendus, en arrière plan, en bruit de fond, sans en avoir rien à faire. Mais le bruit de la portière l'interpelle, alors qu'elle enregistre qu'il s'agit de Beverly. « I think she's here for us. » Et c'est plus une façon de faire remarquer qu'ils n'ont plus beaucoup de temps avant d'être interrompu qu'une véritable indication (il connait mieux l'endroit qu'elle, Corey).

Il aurait pu tout lui sortir, là. Lui parler de tout ce qu’il retient captif, tout ce qu’il s’efforce de mettre de côté chaque fois qu’il la voit, chaque fois qu’il pense à elle. Et Corey, il sait qu’il aurait du le faire, lui parler, lui raconter, faire taire les secrets qui pèsent et qui le tiennent éloigner d’elle quand il voudrait précisément tout l’inverse. Il a les mots au bord des lèvres, Corey, qui le brûleraient presque de vouloir éclater au grand jour, qui voudraient forcer leur chemin à l’air libre et, enfin, ne plus peser sur ses épaules, son coeur, son âme. Mais aussi facilement que l’instant lui est venu, il disparait et il y a le regard de Art, son sourire et l’écho de son rire qui résonne encore à ses oreilles et Corey, il ne peut pas tout effacer si brutalement — le refuse. Mais peut-être est-ce aussi l’ouverture sur autre chose, sur ce qu’il ne se permet pas, d’ordinaire. Cette ouverture sur ce désire auquel il n’a encore jamais osé donner la moindre voix, la moindre force, un peu trop conscient de tout le reste — mais s’il met le reste de côté, qu’est-ce qui le retient ? L’idée qui le traverse, qui s’accroche, qui reste. Et les mots qui, ceux-là, lui échappent avec aisance malgré le coeur tendu, les mains qui deviennent presque moites, et le noeud qui se forme petit à petit. What if she says no. What is she hates theater. Mais elle ne dit pas non, Art. Elle retrouve le ton de la plaisanterie et il a le sourire qui s’élargit, Corey, le coeur qui implose. « Of course you ain’t. You’re a the smart one. » L’inconscience de ce qu’il dit, ce qu’il admet d’une voix plus basse et plus douce. « Yeah they lie, sorry to be the one to break it to you. To be fair, not all american kids are talented. » Lui, par exemple — sauf si l’humour compte comme un talent, auquel cas, il aurait mérité son propre one man show à six ans. « Em… Was in a spelling contest, one, does that count as a talent show? » Le sourcil qui se soulève légèrement alors que le pouce vient gratter sa marque de naissance. Pas certain que ça puisse être considéré comme un talent — surtout sachant qu’il a fini troisième et s’il garde la médaille obtenue par grande fierté, il n’a pas été assez bon pour être en tête du classement. « Not really, I haven’t quite looked what was on stage at the moment. But I’ll take a look and let you know what seems interesting? » Peut-être aurait-il du aller avec le récital de poésie, un lieu ouvert avec la possibilité de participer, un peu de musique et de quoi juste fermer les yeux et se laisser aller — partir quand ils le veulent aussi. Une pièce, une véritable pièce, les oblige à rester jusqu’à la fin et si ça ne le dérange pas, lui, Corey, il ne peut pas s’empêcher de penser que peut-être Art a accepté pour ne pas le froisser.
Il lève les yeux, les tourne dans la direction de Beverly, car c’est elle, en effet, qui arrive à petits pas et il a le coeur qui se fait lourd, Corey, le coeur qui se plombe, qui se plante dans son estomac. Il aurait pu dire davantage — il aurait pu abandonner les mots pour les gestes et peut-être qu’il aurait bien du remettre cette mèche de cheveux tout à l’heure ou lui attraper la main ou juste toucher son épaule. « Yeah that’s Bev. » La voix enrouée, étranglée des émotions qu’il toussote l’instant d’après et Beverly est déjà à leur niveau, à se présenter à l’une, main tendue. « I’ll show Art around, open up. » Il prend les devants, Corey, même s’il aurait été plus logique qu’il soit celui qui ouvre et que Beverly présente les lieux à Art. Et c’est encore de l’égoïsme de sa part ; ne pas vouloir partager Art, ne pas vouloir la laisser à quelqu’un d’autre et profiter de sa présence, de leur bulle rien qu’à eux encore quelques instants. Elle n’est pas longue à ouvrir la porte, Beverly, et à s’éclipser pour allumer les pièces, ouvrir les lieux et Corey, il a un geste pour Art, l’invite à le suivre de la main. Les doigts qui sont encore tendus vers elle avant qu’il ne les enfonce dans la poche de son blouson, par habitude, par non envie de briser whatever they have en se révélant plus entrepreneur qu’elle ne le voudrait. « Here’s the cloakroom, you can use on the locker if you want to but there hasn’t been any problem until now. » Et il joint le geste à la parole, son blouson terminant en vrac sur le dossier d’un fauteuil proche, les doigts qui s’y attardent avant qu’un petit miaulement ne se fasse entendre et qu’une tête poilue ne surgisse de derrière un placard. « This is Misty, one of the oldest cat we have here. She’s basically the true CEO of this place, aren’t you? » L’animal qui vient se frotter à ses jambes avant de s’approcher de Art, plus prudente. Et il sourit, Corey, devant Misty qui adopte Art avec la même rapidité qu’il l’a fait. « She likes you. » Et ça n’a rien de surprenant, vraiment pas, mais il le note quand même, le regard qui quitte l’animal pour se poser sur Art. « There’s always food in the fridge if you’re hungry and you can cook too. Also, we keep animal food around here so they can’t access it whenever they want, except for Misty but she doesn’t eat that much. » Il se déplace légèrement, les bras qui se tendent et se détendent à mesure qu’il montre et explique et il entend Beverly qui parle, de l’autre côté du couloir et ce n’est pas pour eux, bien sûr que non, mais ça suffit pour le ramener à l’instant présent. Ca semble suffisant pour faire éclater leur bulle, venir la percer et lui rappeler qu’il n’a presque plus d’excuse pour prolonger leur tête-à-tête.

Elle devrait sans doute saisir l'occasion, une autre qu'elle le ferait probablement. Profiter du moment, de ce qui semble être une ouverture, la révélation qu'elle n'a pas passé les derniers mois, presque une année entière, à s'imaginer des choses dans son coin. Elle devrait avoir un geste, au moins, rien qu'un, une sorte de trêve, une sorte d'appel, de signe. Mais elle n'en fait rien, Art, pas parce qu'elle doute (pas vraiment), mais parce que la peur lui étreint les entrailles à chaque fois qu'elle envisage quelque chose, quelque chose de plus, et la proximité qui va avec, les gestes qu'elle n'est pas certaine de pouvoir avoir, les questions qui la paralyseraient, les réponses qu'elle n'ose toujours pas formuler. Elle n'est pas prête pour ça, pour eux, si eux il y a, alors elle n'insiste pas, quand bien même aimerait elle qu'il poursuive, qu'il explique, avoue quelque chose qu'elle, elle n'ose ni prononcer, ni demander. Il laisse lui aussi l'instant planer, puis passer, et elle ne saurait dire si elle est plus déçue, ou reconnaissante qu'il respecte l'obstacle invisible, la révélation tacite qu'elle n'en est pas encore là — mais bientôt, right, bientôt. La transition à un sujet plus léger lui semble alors bienvenue, d'autant plus qu'il est question de se revoir. Si elle doutait encore, s'inquiétait encore, si elle pensait encore qu'il n'était que poli, qu'il ne ressentait pas les mêmes choses, elle aurait fini d'être détrompée. Elle ne veut plus le voir par hasard, ou entre deux clients au bar. Elle veut prévoir, planifier, inviter. Elle veut pouvoir oublier de s'inquiéter de le déranger lorsqu'elle l'appelle. « Stop it, I'm sure you've got many talents. And I guess spelling counts... if you were good. » Elle lui sourit, amusée, autant qu'attendrie de l'imaginer dans un tel concours. « I'll see anything, choose what inspires you. I'm curious. » I'll see anything with you, pourrait-elle préciser, mais elle a choisi la carte de la curiosité (ce qui n'est pas tout à fait faux non plus, elle ne peut que se réjouir de voir ce qui intéresse Corey.)
Elle n'a pas l'occasion de peser plus longtemps le pour et le contre d'un tel aveu, l'attention captée par l'arrivée de "Bev", elle s'efforce de ne pas afficher sa déception et sourit à la nouvelle arrivée. L'échange avec Beverly est bref, sa tête se hochant quasiment d'elle-même lorsque Corey annonce qu'il va lui faire faire le tour du propriétaire, et son pas emboitant rapidement le sien. Elle hésite face à sa main tendue, mais elle disparait dans sa poche et le geste est oublié, peut-être mal compris. Elle le suit donc, mains dans ses propres poches, hochant la tête comme pour montrer qu'elle écoute. Et si elle aimerait l'imiter, poser ses affaires avec les siennes et ne pas s'en faire, c'est plus fort qu'elle, elle choisit un casier fermé malgré l'assurance qu'il n'y a jamais eu de problème. L'attention que son geste aurait pu recevoir est heureusement détournée par un miaulement, et elle fond instantanément à la vue du chat. « She's so cute. » Corey a à peine eu le temps de la présenter qu'elle est déjà accroupie pour attirer l'animal à elle, les doigts tendus, et un sourire plus large encore lorsque Misty se laisse caresser. « Hey you, hi baby. You're so cute, aren't you cute ? » L'effort est grand, pour détacher les yeux de l'animal et écouter la suite de ce que lui explique Corey. Elle se redresse lentement, ses doigts quittant petit à petit (et à contrecœur) la fourrure du chat. « Got it. » Elle hésite, cherche en vain comment prolonger la visite (ou plutôt leur conversation). « I'll let you work, then. I know where to find you if there's anything... »

- - - - - - - - - - - - - -
rp terminé